Sur la photo à la Une: Serge Gauthier et Christian Harvey de la Société d’histoire de Charlevoix

Les auteurs Serge Gauthier (Gauguet l’indigné) et Christian Harvey (La Conquête anglaise vue de Charlevoix) ont effectué des séances de signature dans le cadre du Salon du Livre de Montréal 2017.

Il faut noter que le Salon du livre de Montréal qui se tient à la Place Bonenvature attire de nombreux grands noms tels Michel Tremblay, Denise Filiatrault, Dan Bigras, Janette Bertrand et tant d’autres…avec plus de 100,000 visiteurs!

Les auteurs Serge Gauthier et Christian Harvey sont donc très fiers de leur participation.

Une présence qui a été remarquée favorisant même la parution d’un article sur le livre de Serge Gauthier dans le journal Le Devoir à la section Idées.

Une vitrine exceptionnelle pour les Éditions Charlevoix!

Une preuve de plus du succès et de la vitalité de notre Société d’histoire de Charlevoix!

 

 

Voici l’article que Serge Gauhtier a récemment publié dans la prestigieuse Section Idées du Devoir

Retrouver l’œuvre de Jean Gauguet-Larouche

Par Serge Gauthier, Ph.D

Jean Gauguet-Larouche c’est Gauguet pour ses amis dont l’ex-directrice du Devoir Lise Bissonnette était l’une des plus fidèles.

Un sculpteur, un poète, un épistolier rageur, un militant, un rêveur, un utopiste et…un oublié. Il semble même que notre mémoire collective se souvient à peine qu’il fut le créateur d’un chaînon aujourd’hui célèbre devenu le logo de la Confédération des syndicats nationaux du Québec (CSN).

Sa carrière a été marquée par des coups d’éclat, notamment à titre de premier artiste à exposer au Musée d’art contemporain de Montréal en 1965 ou encore à comme boursier en résidence au Studio du Québec à Paris en 1968-69, mais aussi par des luttes cruelles comme le procès d’Alma ou encore celle déchirante de l’îlot des Voltigeurs.

A-t-on définitivement oublié ce personnage unique de notre histoire récente? Il ne le faudrait surtout pas.

De Charlevoix à Montréal : une carrière de sculpteur

Gauguet est né Jean-Marie-Bruno Larouche à La Malbaie (Charlevoix) en 1935, d’une famille modeste.

Il fait peu d’études et il se retrouve bientôt travailleur forestier, boucher, aide-cuisinier, ouvrier dans le vrai sens du terme.

Il quitte sa région natale pour Montréal en 1955.  Il travaille ensuite dans plusieurs grandes boucheries montréalaises.

Fatigué de son statut d’ouvrier, il décide d’entrer à l’École des Beaux-Arts de Montréal et il devient en peu d’années un sculpteur remarqué.

Son exposition au Musée d’art contemporain de Montréal est un succès. Très audacieux, il n’hésite pas à accrocher ses sculptures de style très modernes aux arbres entourant l’édifice du Musée ce qui fera dire au critique Jean Basile qu’il se sent transporté « comme dans un songe au plus beau soir d’été ».

Dans l’ensemble, la critique est favorable à cette exposition qui lance la carrière de Gauguet. Par la suite, il fait sa marque avec des projets originaux comme des sculptures musicales ou encore son audacieuse réalisation pour le Symposium de sculptures de Schefferville en 1970 où il réalise une sculpture hommage à la découverte du fer et ce avec des rails de chemins de fer.

Par ailleurs, Gauguet s’impose au cœur du procès d’Alma suite à un Symposium de sculptures tenu dans cette ville en 1966.

Une œuvre du sculpteur Raymond Mitchell est alors jetée dans une rivière par les autorités municipales. La sculpture de Gauguet lors de ce Symposium intitulée « Que justice soit faite » est une sorte de balance sonore actionné par le vent.

La population d’Alma s’étant plainte du bruit « assourdissant » de cette sculpture le mécanisme assurant l’aspect sonore a été simplement démantelé.

Gauguet fulmine mais le procès ne donne pas les résultats espérés. Il demeure néanmoins un militant actif de l’Association des sculpteurs du Québec et, plus tard du Conventum, un projet novateur que l’État québécois ne sait pas soutenir adéquatement.

Il s’engage surtout pour les droits des créateurs et le respect de leurs œuvres surtout dans l’espace public.

La création littéraire

Emporté par la bohème montréalaise des années 1960 que les historiens ont peu décrit à ce jour, Gauguet devient bientôt un grand ami du poète Gilbert Langevin.

Avec ce créateur aussi originaire d’une région québécoise soit le Lac-Saint-Jean, il travaille à la fondation des Éditions ATYS où il publie deux recueils intitulés Cendres de sang (1961) et La saignée du pain (1963).

Mais les grands bonzes de la littérature québécoise du temps sont peu à l’aise avec ces Éditions qualifiées de « fâcheuses et gâcheuses » par un critique montréalais.

Peu importe, Langevin et Gauguet veulent amener la poésie au niveau du peuple et ils se moquent de leurs devanciers engoncés dans leur poésie écrite par et pour une certaine élite.

Malheureusement, bien que fort intéressante, l’œuvre poétique de Gauguet reste méconnue contrairement à celle de Gilbert Langevin qui s’impose davantage. Le deux restent très liés jusqu’à la mort de Gauguet.

Même si Gauguet fréquente des gens de la contre-culture québécoise et encore d’autres de tendance marxiste, Gauguet n’est d’aucune chapelle.

C’est un individualiste épris de liberté et son combat fondamental est sans nul doute la bataille de l’Îlot des Voltigeurs.

À lui tout seul ou presque –bien que soutenu quand même par de nombreux intellectuels montréalais- il cherche à sauver de la démolition un édifice situé dans le secteur désigné sous le nom d’Îlot des Voltigeurs au 1201 rue Notre-Dame Est à Montréal.

Il se confronte alors à son pire ennemi le maire Jean Drapeau alors occupé à faire démolir des pans entiers de divers quartiers du centre-ville de Montréal.

Gauguet fait sa lutte envers et contre tous, en squattant littéralement l’édifice où il habite même sans eau, sans chauffage en plein hiver,  au risque de sa santé qui en ressort détériorée.

Le 1201 de la rue Notre-Dame Est ne résiste pourtant pas au pic des démolisseurs du maire Drapeau que Gauguet sculpte par la suite sous la forme d’un dinosaure.

La lutte perdue à l’îlot des Voltigeurs le brise à jamais, il abandonne alors sa carrière de sculpteur et s’en retourne vivre dans Charlevoix dans le village éloigné de Saint-Siméon.

Un oublié?

Bien qu’il existe un film du cinéaste Jean-Louis Frund intitulé Gauguet (1966) où l’on voit l’artiste créer, malgré le fait qu’il subsiste de nombreux textes et lettres écrites par l’artiste et dont certaines plus rageuses que d’autres s’étendent sur des dizaines de pages où l’on retrouve même de nombreux poèmes inédits, même si quatre de ses oeuvres sont dans les collections de musées québécois et surtout que son chaînon soit devenu le si remarquable logo de la CSN, qui aujourd’hui se souvient de Jean Gauguet-Larouche?

Son exil charlevoisien l’a progressivement distancé de ses amis montréalais. Sa création à titre de sculpteur a alors cessé -si ce n’est son incroyable sculpture « Québec en rut » érigée à l’occasion de la Superfrancofête à Québec en 1974 que le Gouvernement du Québec a fait détruire l’année suivante- et il a progressivement souhaité se faire oublier et il l’a été.

Sauf peut-être de la police montréalais et du maire Drapeau allant lui réclamer jusque dans sa lointaine maison de Saint-Siméon des billets de stationnements impayés qui vaudront l’emprisonnement à Gauguet en 1977!

Pourtant, il cherche sans cesse à reprendre son métier de sculpteur, il en parle à ses amis, à Lise Bissonnette qui l’encourage.

Il laisse des documents aux frères Serge et Jean Gagné ses amis cinéastes qui l’ont immortalisé dans un passage frappant de leur immense film Une saison dans la vie des camarades (1976), mais Gauguet ne vient jamais reprendre ses précieux documents désormais abandonnés…

Il meurt tristement d’un arrêt cardiaque dans le bureau du médecin de Saint-Siméon en février 1986. Il ne reçoit qu’un seul hommage public remarqué soit un texte en son honneur rédigé par Lise Bisonnette et publié dans les pages du journal Le Devoir.

Depuis plus rien ou presque…puis maintenant, en 2017, ce livre biographique que je lui consacre (Gauguet l’indigné aux Éditions Charlevoix) comme un ultime effort pour tenter de reprendre le dialogue avec ce fameux Gauguet aspiré par les rêves de changement de la Révolution tranquille, emporté par la morosité de la suite de l’histoire du Québec, éteint dans ses rêves les plus fous, oubliés par tous et néanmoins encore vivant dans une œuvre certes dispersée mais significative encore pour peu que l’on consente enfin à la redécouvrir.

Serge Gauthier est historien et ethnologue. Il vient de publier la biographie Gauguet l’indigné aux Éditions Charlevoix.

 

 

 

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