Sur la photo à la Une : Françoise Labbé est entourée de Francine Thibeault et de Paul Labbé…..Photos Pierre Rochette
Par Serge Gauthier, PhD
Président de la Société d’histoire de Charlevoix
Une illumination!
Un coup de génie, un moment de grâce, une innovation magique!
Tant et tant de nouveautés! Un esprit de création artistique un peu unique!
Avec cette grâce, cet esprit d’innovation si associés à Madame Françoise Labbé.
A-t-on oublié cette grande dame de Baie-Saint-Paul que fut Françoise Labbé[1]. Il ne le faudrait pas. Baie-Saint-Paul lui doit tant! La région de Charlevoix aussi lui doit tellement!
Ce n’est pas si loin.
Remontons à 1982. Il y a quarante ans seulement.
Françoise Labbé, alors directrice du Centre d’art de Baie-Saint-Paul, remet à l’ordre du jour l’histoire des grands peintres canadiens venus au début du 20e siècle à Baie-Saint-Paul et il y a là un devoir de mémoire essentiel.
De fait, le grand peintre résidant à Baie-Saint-Paul, René Richard (1895-1982), vient alors de mourir.
L’histoire d’art si riche de Baie-Saint-Paul s’étiole un peu. Qui se souvient alors de ces peintres venus de partout au Canada pour peindre la beauté des paysages de cette localité?
Qui évoque encore le nom de Clarence Gagnon (1881-1942), d’A.Y. Jackson (1882-1974) et des autres du groupe des Sept notamment?
Françoise Labbé
Françoise Labbé, elle, se souvient. Elle se remémore cette belle histoire. Elle porte tout cela en son cœur.
Elle croit que cet héritage peut revivre, qu’il va se prolonger, se concrétiser à nouveau.
Françoise Labbé sait pressentir l’avenir mais surtout animer le présent.
Elle est garante du passé mais elle devient surtout une guide.
Elle souhaite un projet de mémoire qui peut orienter le moment, susceptible même de le transcender.
Une grande innovatrice!
Et ce fut le Symposium de peinture de 1982!
Bien sûr, il se trouve alors déjà des Symposiums de sculpture au Québec, mais pas de peinture toutefois.
Ainsi il faut unir, regrouper des peintres de la région, voir l’état des lieux et si le projet de poursuivre la quête artistique d’hier s’impose encore comme pertinent.
Et la récolte s’avère bonne! Le terreau paraît encore fertile!
La formule du Symposium retenue par Françoise Labbé s’impose comme gagnante.
Cette nouvelle alchimie de créateurs réunis lors d’un impressionnant événement tient compte du passé et révèle, dès lors, un nouvel élan artistique magnifiquement mis en lumière.
Cette relève, faut-il le dire, se montre abondante, surgissant de partout en Charlevoix.
Surtout de Baie-Saint-Paul.
Des peintres nouveaux, jeunes encore, connus déjà mais jamais rassemblés de la sorte et qui veulent marquer le moment, s’inscrire dans l’histoire aussi.
Et par une approche éblouissante : peindre des grands formats devant un public.
Un mois durant.
Le Symposium de la peinture de Baie-Saint-Paul de 1982 retient alors grandement l’attention. C’est une remarquable réussite.
Les noms des peintres de ce premier Symposium rayonnent : Guy Paquet, Giovanni Gerometta, Louis Tremblay, Bruno Côté, Vladimir Horik, Rémi Clark, Jacques Hudon, Bertrand Tremblay.
Tous possèdent des styles différents, colorés, parfois surréalistes un peu, d’autres fois plus simples, plus attachés à s’inscrire dans la suite de la grande tradition d’hier.
Peintres de la région, peintres proches du réel, peintres figuratifs.
Non plus peintres populaires comme ceux et celles d’hier, pas des peintres pittoresques, pas des peintres touristiques, mais des peintres accessibles.
Et vraiment ouverts à tous, à toutes, alors qu’un large public se présente à eux afin de visiter ce Symposium exceptionnel.
En vérité, le passé et l’avenir se conjuguent alors, en ce Symposium de peinture de 1982, dans un amalgame de couleurs et d’étincelles de lumière!
Voilà toute la finesse de Françoise Labbé, une rassembleuse unique, qui sait se lier aux forces montantes de la peinture de Charlevoix, tout en formant autour d’elle une équipe de collaborateurs et de collaboratrices fidèles, dévoués, comme Francine Thibeault, Paul Labbé, longtemps impliqués à ses côtés.
Elle est capable ainsi de faire naître cet événement unique, pour les autres, pour animer, donner du souffle, et ainsi créer aussi un rendez-vous de choix comme il ne s’en présente pas souvent.
Du 31 juillet au 24 août 1982!
Baie-Saint-Paul s’illumine!
Voit apparaître une nouvelle sorte de tourisme, plus spirituel, plus attaché aux valeurs de la création, curieux, incité à élever le regard, à conserver la trace de la source historique et de la continuité.
Comment raconter tout cela?
Le peut-on vraiment?
Peut-on redire la magie du moment? Cela est-il seulement possible?
Cet élan s’est-t-il éteint avec la fin de ce Symposium de 1982?
Certainement pas, d’autres Symposiums suivront.
Différents, toujours pertinents. Rien de s’est arrêté.
Pourtant, le premier Symposium de peinture de Baie-Saint-Paul en 1982 est à marquer d’une pierre blanche.
Mais sait-on encore associer ce bel héritage à Françoise Labbé?
Cette grande dame mérite un espace à son souvenir à Baie-Saint-Paul.
Quand donc cela se fera-t-il?
Se rappeler du passé est toujours un devoir.
Si une tradition artistique se poursuit encore, en ce début 21e siècle, à Baie-Saint-Paul, c’est beaucoup grâce à Françoise Labbé.
Ce Symposium de peinture de 1982 a ouvert la voie du renouveau, de la poursuite du rêve.
Oui, Françoise Labbé a beaucoup rêvé, mais elle a été surtout une force agissante.
Peut-on rêver pour elle d’un plus grand hommage, d’une plus grande considération de ses mérites?
Il serait temps de le faire car l’évocation de l’œuvre de cette femme nous élève, nous permet encore de voir plus loin, de comprendre vraiment toute l’importance de ce Symposium de peinture de 1982 tenu à Baie-Saint-Paul.
En fait, rien ne s’est perdu. Tout revit en nous. Si on le veut.
NDLR : Plus de 34 images immortalisées dans la première décennie du Symposium de la peinture à Baie-Saint-Paul sont publiées sur ce journal électronique dans la catégorie «reportages photos».
Bonne visite virtuelle !
[1] Serge Gauthier. Françoise Labbé. La grande dame de Baie-Saint-Paul. La Malbaie, Éditions Charlevoix, 1982. 103 pages.
